croix guerresTout cela partait d’une bonne intention. Un dossier dans le Grigny magazine du mois de mai 2015 intitulé «8 mai 1945, Grigny se souvient ». Pourtant à la lecture des quelques lignes, paraît-il, issues de l’ouvrage « Grigny martyrisée », écrit par l’ancien maire communiste Roger TISSOT, Le CITOYEN se voit dans l’obligation de corriger certaines approximations, voire une certaine réécriture de faits historiques et connus de tous.

On reste sans voix lorsqu’on lit dans le paragraphe, « 1943 : La résistance à Grigny » : « Les troupes allemandes capitulent à Stalingrad et la résistance s’organise en France autour de Jean Moulin ». Puisqu’il est question de mémoire rappelons que les communistes créèrent le mouvement de résistance FTPF (Franc-Tireur et Partisans Français) en octobre 1941. C’est d’ailleurs à ce mouvement de résistance qu’appartiennent la plupart des héros célébrés à Grigny ce 8 mai.

Notons que dans le dossier de ce qui devrait porter le nom de « Déni Magazine » de ce mois de mai, les résistants ne sont pas mieux traités que la Résistance. Le CITOYEN tient à rétablir, ci-dessous, certains éléments de biographies, dont on se demande bien pourquoi ils ont été omis. Il serait pour le moins intéressant de savoir qui tenait la plume, ou plutôt la gomme à effacer, à la rédaction du journal municipal.

André MAYER est né le 15 décembre 1904 à Mâcon. Syndicaliste convaincu, il militait à la CGT au sein du Syndicat des Cheminots de Badan. Il était libre penseur et a élevé ses enfants à l’écart de la religion, dans la laïcité. Il était président de la coopérative SNCF de Grigny et président de la Joyeuse Boule.
Dès qu’il eut connaissance de l’appel du 18 juin, il prit la décision d’entrer en résistance. Il combattit au sein des FTPF (Francs Tireurs et Patriotes Français) sous le nom de BARBOT ainsi que dans les FFI (Forces Françaises de l’Intérieur).
Répondant à un message radio en provenance de Londres, il participa, avec ses camarades cheminots, au sabotage de la plaque tournante du dépôt de Badan pour éviter le redémarrage des trains.
André MAYER a participé à la libération de Grigny sous les ordres d’Emile EVELLIER.
Désigné maire de Grigny par le Comité de Résistance, en 1944, à la destitution des délégations spéciales mises en place par le gouvernement de Vichy, il fut lâchement assassiné d’un balle dans le dos dans la rue qui porte son nom aujourd’hui, lors d’une expédition punitive de l’armée allemande à Grigny en 1944 (1)
Il laissait une veuve et quatre filles âgées de 7 à 15 ans.

André SABATIER entre en résistance dès la signature de l’armistice en 1940, et participe à la création des premiers réseaux. En 1942, il entre au réseau Résistance Fer où il finira sous-lieutenant. Il a été tué le 29 août1944 lors d’une mission sur la butte de Charmes, laissant 3 orphelins âgés de 9 ans, 7 ans et 7 mois.

Pierre SEMARD, fusillé le 7 mars 1942 était Secrétaire Général de la Fédération CGT des cheminots. Son portrait est en bonne place au Club Sportif des Cheminots de Badan.

Le bataillon résistant Carmagnole qui a neutralisé 32 locomotives en gare de Badan était partie intégrante des Francs-tireurs et partisans – Main-d’œuvre immigrée (FTP-MOI). Ces groupes étaient composés essentiellement communistes étrangers dépendaient directement de Jacques Duclos.

Les coups de ciseaux du Rédacteur en chef du journal de Grigny, n’ont pas épargné les cheminots alors même que parmi les 7 martyrs, dont certains ne sont pas cités dans l’article, 6 sont cheminots ou fils de cheminots. Leur lutte est ainsi résumée : « Les cheminots résistèrent aussi de manière plus discrète, en ralentissant les train et les travaux. »

Laissons à Édouard Brenot (2) le soin de raconter l’histoire : « En 1943, sur les 400 cheminots du dépôt de Badan, 25 sont membres de la Résistance, ce qui représente un fort pourcentage comparé à la moyenne nationale. » La suite du livre nous enseigne que si la plupart des cheminots n’étaient pas engagés dans un mouvement, beaucoup participèrent à des actes de résistance au péril de leur vie : ralentissement du travail de l’occupant, organisation de la « valse des étiquettes de wagons » pour empêcher l’acheminement des marchandises en Allemagne, sabotage de matériels, transport de courriers, d’armes, de prisonniers évadés, de résistants, de juifs. Autant d’actes de bravoure qui valurent à Grigny de recevoir en 1948 la Croix de Guerre avec étoile d’argent.

Aujourd’hui, tous ces héros de l’ombre n’ont droit qu’à deux lignes méprisantes de la part du Rédacteur en chef du Grigny Magazine, M. Odo, grimé pour l’occasion en professeur d’histoire, alors que la décence aurait du faire que soient mis en avant :

Emile EVELLIER : Jeune chef de 24 ans, fusillé par les Allemands le 31 août 1944, laissant une veuve enceinte et un orphelin.

Félix HERITIER : Arrêté par la Gestapo, fusillé à Saint Genis Laval le 20 août 1944.

Francis PERRAT : 18 ans, fils d’un cheminot de la rue Couriot, et Guy RAFFIN : 17 ans 1/2, fils d’un cheminot de la rue de Pressensé, engagés dans les FTP en septembre 1943. Arrêtés le 2 avril 1944, ils arrivent à Dachau le 2 juillet. Francis PERRAT mourra au camp de Flossenbourg en novembre 1944 et Guy RAFFIN à Leitmeritz, en février 1945.

– Fabien ROUSSEL : né à GRIGNY, cheminot à Vaise, membre de la Résistance, capturé dans une souricière le 16 mai 1944 quai de la Bibliothèque à LYON, interné à Montlac, fusillé à Saint Didier de Formans le 16 juin 1944.

Terminons par le grand absent de ce « dossier », à savoir Fleury Jay pas même cité une seule fois. Le CITOYEN tient à rétablir son honneur en reproduisant les lignes suivantes écrites par Roger Tissot «  Fleury était un cheminot engagé dans le mouvement syndical et politique. Célibataire, il consacrait tous ses instants de loisirs aux Syndicats, au Parti Communiste, à la section de Grigny des amis de l’Union Soviétique. C’était le militant dont l’action quotidienne était focalisée sur un but unique : améliorer le sort de l’homme. » Et nous pouvons rajouter pour compléter sa biographie : «  Cheminot au Sablon, arrêté, parce que Communiste, par la gendarmerie Française aux ordres de Pétain, le 7 juin 1940, puis transféré de camps d’internement en camps d’internement, acheminé ensuite à Burchenwald, puis à Allac, annexe de Dachau. Rapatrié fin juillet 45, il mourut en 1950, épuisé des suites des sévices qu’il avait subis. »

Nous rappelons à l’équipe municipale que l’on ne se grandit pas en transformant ou en éludant les faits. Le devoir de mémoire impose une éthique exemplaire.
Et si c’est ce récit qui a été fait aux élèves de la commune par les deux associations mises en avant dans l’article, il y a vraiment lieu de se poser des questions quant à la signification de la réécriture de cette page de l’histoire de notre ville par la municipalité UMP en place.

Notes :
(1) Grigny martyrisée, Roger Tissot, p 154, 159.
(2) Édouard Brenot : 150 ans de chemin de fer – Grigny Badan.