Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon a estimé qu’O-I Manufacturing, dernier repreneur de la verrerie BSN à Givors, était responsable de la maladie de Joseph d’Introno, ouvrier décédé d’un cancer en 2010.
« Mon mari avait dit que s’il s’en sortait, il attaquerait les patrons. C’est pourquoi j’ai continué à me battre avec les enfants, et je l’ai fait à sa place. »
Hélène d’Introno avoue avoir pleuré de joie, mercredi matin, en apprenant que O-I Manufacturing, dernier repreneur de la verrerie BSN de Givors, est condamné pour « faute inexcusable » dans la maladie professionnelle reconnue et le décès d’un cancer de son mari. Joseph d’Introno a passé 33 ans à la verrerie, dont 13 ans à la fusion. Il a été emporté par un cancer des poumons fin 2010.
Le jugement rendu mercredi par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon (TASS) fait suite à l’audience du 11 mars 2014, au cours de laquelle O-I Manufacturing, pour sa défense, avait plaidé son ignorance du danger encouru par les verriers, y compris concernant les protections amiantées portées par les fondeurs. Depuis 1994, le risque était connu, avait argumenté de son côté, l’avocate de la famille d’Introno.
« Toutes les semaines, on apprend le décès ou la maladie de quelqu’un »
« Même si l’entreprise a un mois pour faire appel, l’impunité a cessé », se réjouit Laurent Gonon, coordinateur des Anciens verriers de Givors. L’association, qui se bat depuis cinq ans pour la reconnaissance de l’origine professionnelle des maladies développées, engrange ainsi une nouvelle victoire, à travers celle de la famille de Joseph d’Introno. Victoire aussi pour la Sécurité sociale et le Fiva (Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante), qui poursuivent l’entreprise pour ne pas avoir pris les mesures de prévention. « Par cette condamnation pour ‘‘ faute inexcusable ’’, ils vont récupérer les sommes qu’ils ont été contraints de verser en reconnaissant la maladie professionnelle », souligne Laurent Gonon.
« L’entreprise savait mais n’a rien fait »

Hélène d’Introno, veuve d’un verrier
« Tout le temps, on apprend la maladie ou le décès de quelqu’un. Là, c’est le mari d’une collègue qui vient d’être enterré. Un autre vient de déclarer un cancer des bronches… C’est pour ça que nous nous battons. Et moi, même si j’ai gagné, je continuerai à me battre avec les autres », défend Hélène d’Introno qui, par le passé, a déjà perdu son père et son frère, respectivement âgés de 48 et 44 ans. L’un et l’autre verriers à Givors. L’un et l’autre emportés par un cancer. « O-I Manufacturing savait mais n’a rien fait. De 1983 à 1996, mon mari contrôlait les fours. Constamment, il était en contact avec l’amiante. Il en respirait, il en
manipulait. Les combinaisons, les gants contenaient de l’amiante », regrette la veuve de Joseph. Jointe mercredi soir, la direction d’OI Manufacturing a précisé « ne pas souhaiter s’exprimer pour l’instant » sur le jugement rendu.
Déjà, le 9 avril dernier, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon a donné raison aux Anciens verriers, en reconnaissant l’origine professionnelle du cancer de l’un d’eux décédé en 2012 (lire par ailleurs). D’autres procédures sont en cours. (le progrès)


Christian Cervantes, l’ouvrier à l’origine du combat de la reconnaissance !!!

cervantescervantescervantesAncien verrier, syndicaliste, il avait sonné l’alarme dès 2007, après le décès d’un collègue. À son tour, le cancer l’a emporté en 2012, sans qu’il ne connaisse l’issue d’une longue bataille.
Il n’est plus là pour se réjouir. Christian Cervantes, chef de file de la CGT dans la verrerie qui a définitivement fermé ses portes en 2003, est à l’origine du combat repris après lui par sa famille et l’association des anciens verriers de Givors.
Des ouvriers « victimes de leur travail »
Décédé en 2012 à l’âge de 63 ans des suites d’un double cancer, il ne saura rien des dernières décisions du Tribunal des affaires de sécurité sociale. Il y a tout juste un mois, le 9 avril dernier, l’instance judiciaire a reconnu le caractère professionnel du cancer du plancher buccal dont il était atteint. Le tribunal a également reconnu l’exposition « habituelle » à des agents cancérigènes comme l’amiante, les hydrocarbures et les solvants. Une « victoire » pour son entourage et « une première en France » pour l’avocat de sa famille.
Plus de six ans après les premières demandes, le combat pour que les maladies de ces ouvriers « victimes de leur travail » soient reconnues comme d’origine professionnelle est en passe d’être gagné. Une prise en compte qui manquait cruellement aux malades et à leurs familles. C’est en 2007, alors qu’un collègue décédait d’un cancer, que Christian Cervantes avait engagé les premières démarches de reconnaissance en maladie professionnelle. En 2008, les procédures débutaient. À son tour malade à partir de 2010, l’ouvrier avait jusqu’au bout poursuivi la lutte. Après avoir défendu ses collègues pour le maintien de leurs emplois dans les dernières années de la verrerie, il s’était battu pour leur santé alors même que la sienne se dégradait. (le progrès).